Pour lutter contre le coûteux changement climatique, le Canada doit rapidement effectuer une transition vers une économie durable avec des sources d'énergie à faibles émissions. Le régime fiscal a une influence énorme sur cette transition. À l'heure actuelle, notre système fiscal n'aide pas cette transition à se faire rapidement. Au contraire, les gouvernements canadiens subventionnent l'industrie des combustibles fossiles à hauteur de 4,8 milliards de dollars par an. Pour rendre nos politiques fiscales climatiques efficaces, il faudrait mettre fin aux incitations fiscales pour les pollueurs de carbone, augmenter le prix de la pollution, améliorer la transparence des subventions publiques aux combustibles fossiles et taxer les importations à fortes émissions.
COMMENT LE CANADA SUBVENTIONNE-T-IL LE PÉTROLE ET LE GAZ ?
Une grande partie des subventions canadiennes pour le pétrole et le gaz sont accordées sous forme d'importants allégements fiscaux aux producteurs de combustibles fossiles et aux grands émetteurs de carbone. Ces allégements prennent de nombreuses formes, comme des taux réduits de la taxe sur le carbone, des réductions des redevances publiques, des crédits d'impôt pour les infrastructures et un soutien à la recherche et au développement.
Réductions des redevances de la Couronne: Les réductions des redevances de la Couronne permettent aux entreprises de combustibles fossiles de payer moins de redevances pour le forage et l'exploitation minière sur les terres publiques. Utilisées principalement en Alberta, ces réductions sont évaluées à 1,16 milliard de dollars dans cette seule province.
Crédits d'impôt pour les infrastructures: Les crédits d'impôt pour les infrastructures aident les entreprises de combustibles fossiles à construire des pipelines et des sites de forage profond. Rien qu'en Colombie-Britannique, plus de 72 millions de dollars ont été distribués en deux ans à 21 entreprises de combustibles fossiles.
Report de pertes fiscales: Un report de pertes fiscales est une somme d'argent qu'une entreprise ou un particulier peut utiliser pour compenser et éliminer l'impôt qu'il doit chaque année. L'industrie pétrolière et gazière dispose d'un report de pertes fiscales estimé à environ 63 milliards de dollars ! Ainsi, même si ces entreprises continuent à gagner de l'argent, elles utilisent leur report pour éviter de payer des impôts.
Traitement préférentiel de la tarification du carbone: En outre, le secteur pétrolier et gazier bénéficie d'un traitement préférentiel dans le cadre du système canadien de tarification du carbone, sous prétexte qu'il doit rester compétitif au niveau international. Cependant, cela ne fait que maintenir les entreprises de combustibles fossiles excessivement rentables, comme elles le sont depuis des décennies.
Des investissements considérables: Tout en accordant ces avantages fiscaux, le gouvernement a également investi au moins 45 milliards de dollars dans l'industrie des combustibles fossiles depuis le début de 2020 seulement, soit près de 1 200 dollars par Canadien.
QUELS SONT LES PROGRÈS ACCOMPLIS ?
Alors que l'industrie canadienne des combustibles fossiles absorbe une part disproportionnée du budget mondial du carbone, une carte de pointage de l'OCDE a classé le Canada au dernier rang des 11 pays du G20 en ce qui concerne le soutien élevé qu'il accorde à l'industrie des combustibles fossiles et les progrès réalisés pour mettre fin à ce soutien.
Le gouvernement libéral s'est fixé comme objectif de passer à une économie à faible émission de carbone d'ici 2030 et de devenir un pays à émission nette zéro d'ici 2050 [1]. Il a fait plusieurs promesses pertinentes, mais n'a jusqu'à présent réformé qu'une poignée de mesures fiscales régressives qui encouragent la production et l'utilisation de combustibles fossiles.
Le budget 2022 s'est engagé à éliminer les actions accréditives qui incitent à investir dans les sociétés pétrolières et gazières en réduisant la facture fiscale des investisseurs. Ce changement de politique est le bienvenu, mais il n'est pas suffisant. Nous devons agir plus rapidement.
QUE FAUT-IL FAIRE ?
Voici quelques stratégies fiscales que le gouvernement peut mettre en œuvre dès maintenant, afin d'accélérer le processus vers des émissions nettes nulles :
1. Éliminer progressivement les incitations fiscales pour les entreprises pétrolières et gazières - principalement les subventions aux combustibles fossiles. Réintroduire ces incitations pour les entreprises vertes.
2. Augmenter le prix de la pollution et de l'utilisation des énergies non renouvelables en utilisant des outils tels que la taxe carbone.
3. Améliorer la transparence dans la déclaration des dépenses fiscales ; plus précisément, un rapport public détaillant les subventions aux combustibles fossiles, conformément à l'accord du G20 [2] et au mandat Mourneau de 2019.
4. Mettre en place un tarif carbone sur les importations à fortes émissions et imposer la taxe carbone à toutes les industries nationales à fortes émissions.
NOTES
[1] Programme électoral du Parti libéral, 2019
[2] Meilleures pratiques internationales : Estimation des subventions fiscales pour les combustibles fossiles au Canada, Rapport de l'Institut international du développement durable, décembre 2020.
Concernant les investissements : Le gouvernement peut également éliminer progressivement les investissements dans l'industrie des combustibles fossiles, et investir dans des programmes de formation pour la transition des travailleurs des énergies non renouvelables vers des emplois renouvelables et durables. Selon l'IIDD, l'argent utilisé pour les subventions aux combustibles fossiles pourrait financer la formation d'au moins 480 000 travailleurs pour soutenir la production d'énergie verte.