En date de cette année, le Canada a conclu des conventions fiscales avec 84 pays, et 11 autres sont en cours de négociation. Ces conventions sont censées empêcher les entreprises d'être imposées deux fois - une fois au Canada et une autre dans l'autre pays.
En réalité, bon nombre de ces conventions n'empêchent pas les entreprises d'être imposées deux fois ; elles empêchent ces énormes sociétés d'être imposées du tout - dans l'un ou l'autre pays. C'est parce que beaucoup de ces pays sont des paradis fiscaux.
Le gouvernement canadien perd des milliards de dollars chaque année à cause de ces accords de double non-imposition. Seules les plus grandes sociétés - et les individus les plus riches - profitent de l'existence de ces accords.
QU'EST-CE QU'UN PARADIS FISCAL ?
Selon l'OCDE, un paradis fiscal est un pays ou une juridiction ayant
- aucun taux d'imposition, ou un faible taux d'imposition effectif
- des régimes fiscaux préférentiels qui sont isolés de l'économie nationale
- une surveillance réglementaire et une divulgation financière insuffisantes ; et
- un manque d'échange effectif d'informations.
COMMENT FONCTIONNENT LES ACCORDS DE DOUBLE NON-IMPOSITION ?
Les accords de double non-imposition conclus avec des paradis fiscaux permettent aux multinationales d'éviter l'impôt de plusieurs façons. Les sociétés qui disposent d'avocats et de comptables coûteux peuvent créer une multitude de stratagèmes complexes pour minimiser ou éliminer le montant de l'impôt international qu'elles paient.
Les sociétés peuvent trouver des moyens de bénéficier de la même déduction fiscale dans plusieurs pays pour le même revenu. C'est comme si vous remplissiez votre déclaration d'impôts et demandiez chaque déduction deux fois.
Par exemple, si NoTax Inc. exerce ses activités à la fois au Canada et au Danemark, et que l'entreprise déclare une perte après la vente d'un bien immobilier une année, elle peut demander un allégement fiscal dans les deux pays sur le même revenu. Elle bénéficie donc d'une double déduction dans deux pays pour le même revenu.
Les sociétés peuvent bénéficier d'une déduction sur leurs revenus dans un pays tout en n'incluant pas ces mêmes revenus dans un autre pays. Leur facture fiscale diminue en fonction de la manière dont elles catégorisent et étiquettent leurs revenus. C'est ce genre d'absurdité que la règle générale anti-évitement est censée empêcher. Malheureusement, celle du Canada est dépassée.
Par exemple, si TaxMeIfYouCan LLC vend des actions à une société d'un autre pays avec l'intention de les racheter éventuellement, le Canada pourrait traiter cela comme une vente, tandis que les Bermudes pourraient le traiter comme un prêt. Ainsi, TaxMeIfYouCan LLC peut profiter de l'échappatoire de l'exonération des gains en capital au Canada, et ne pas inclure le prêt dans son revenu aux Bermudes.
Les sociétés peuvent demander des crédits pour impôt étranger même si elles exercent leurs activités au Canada et ne devraient pas bénéficier d'avantages fiscaux supplémentaires.
Par exemple, si MePaySquat Corp. exerce ses activités au Canada, mais remarque qu'il y a plus de crédits d'impôt pour les entreprises en Suisse qu'au Canada, elle peut transférer le siège de l'entreprise en Suisse - sur le papier - et profiter des crédits supplémentaires.
QUELLE EST LA GRAVITÉ DE L'ABUS DES CONVENTIONS FISCALES AU CANADA ?
L'évasion fiscale internationale au moyen d'outils tels que les conventions de double imposition coûte au Canada entre 10 et 25 milliards de dollars chaque année.
Les sociétés canadiennes ont des actifs de plus de 300 milliards de dollars dans des paradis fiscaux avec lesquels le Canada a signé des conventions fiscales, et les riches particuliers ont caché des milliards de plus.
ETUDE DE CAS : Rire jusqu'au paradis fiscal
Voici un exemple réel d'une entreprise utilisant l'accord de double non imposition entre le Canada et le Luxembourg pour éviter de payer des impôts....
En 2011, deux sociétés américaines ont créé une filiale canadienne appelée Alta Canada qui a acheté pour 300 millions de dollars de biens d'équipement. La vente de ces biens serait normalement imposable au Canada.
En 2012, Alta Canada a créé une société holding au Luxembourg, et a transféré ses biens à cette entité. Le Canada a conclu une convention fiscale avec le Luxembourg, dont la réglementation fiscale est relativement plus clémente.
En 2013, la société holding a vendu cette propriété à un tiers pour une 'plus-value' de 380 millions de dollars. Très peu d'impôt a été payé au Luxembourg et aucun impôt n'a été payé au Canada ou aux États-Unis.
En 2021, Alta a admis devant le tribunal que cette vente était une opération d'évitement fiscal. La Cour suprême du Canada a jugé qu'il s'agissait d'une 'évasion fiscale créative, immorale et agressive,' mais qu'elle était parfaitement légale, selon les normes du traité fiscal, et donc non punissable aux yeux de la loi.
Ce cas illustre le véritable problème : ces accords sont parfaitement légaux. Pourquoi serait-il légal de ne payer aucun impôt après avoir réalisé une vente de 380 millions de dollars, alors que la plupart des Canadiens paient des impôts sur chaque dollar qu'ils gagnent en travaillant, et que la plupart des entreprises canadiennes sont incapables d'échapper à l'impôt de cette façon ?
COMMENT RÉSOUDRE LE PROBLÈME ?
Nous devons modifier les conventions fiscales canadiennes et les accords avec les paradis fiscaux qui permettent la double non-imposition.
Parmi les éléments de ces traités et accords que nous pouvons modifier pour les rendre plus équitables, citons :
- La mise en œuvre d'une plus grande transparence des entreprises afin de garantir des rapports précis sur l'emplacement et l'utilisation des actifs dans le monde ;
- le plafonnement des paiements aux filiales étrangères afin de réduire le transfert de bénéfices pour éviter de payer des impôts au Canada ;
- Renforcer l'application de la loi, les poursuites et les conséquences de l'évitement agressif en utilisant les conventions fiscales ; et
- Assurer un taux d'imposition effectif minimum pour les sociétés multinationales.
[Traduction de l'anglais.]