Soumission et commentaires aux consultations pré-budgétaires du Comité permanent des finances (FINA) en vue du budget fédéral 2022, par Dr DT Cochrane, économiste pour Canadiens pour une fiscalité équitable. [Traduction de la soumission originale en anglais.]
En tant que Canadiens pour l'équité fiscale, nous sommes préoccupés par deux tendances à long terme de notre système fiscal qui entravent notre capacité à atteindre un avenir durable, équitable et prospère.
Tout d'abord, quatre décennies de modifications de nos lois fiscales ont réduit considérablement les recettes publiques. Deuxièmement, la plupart de ces pertes de recettes sont dues à des allégements fiscaux qui profitent largement aux personnes et aux sociétés les plus riches. Une étude récente de la London School of Economics a montré que ces changements fiscaux avaient peu de retombées économiques tout en exacerbant les inégalités de richesse et de revenus.
Lors des élections de 2021, tous les partis ont promis de faire en sorte que les plus riches paient leur juste part. Nous apprécions votre engagement à aborder la question et nous nous attendons à ce que le consensus de tous les partis sur un financement accru de l'ARC entraîne une mise en œuvre rapide.
Cependant, l'équité ne sera pas atteinte avec quelques mesures progressives. Nous avons besoin de nouveaux outils tels qu'un impôt sur la fortune et une taxe sur les services numériques. Ces deux outils sont bien étudiés et il n'y a aucune raison de ne pas aller de l'avant.
Mais nous devons également remanier en profondeur notre système fiscal de trois manières principales :
augmenter le taux d'imposition des sociétés
- éliminer les échappatoires ; et
- accroître la transparence.
Nous avons beaucoup entendu parler de la richesse croissante des milliardaires, mais je veux me concentrer sur la richesse et le pouvoir croissants des entreprises, avec l'aide et la complicité des gouvernements canadiens.
Voici un chiffre clé : 1,1 TRILLION.
C'est le montant des recettes fiscales que les gouvernements canadiens ont perdues en raison des réductions d'impôts malavisées accordées aux sociétés et de l'évitement fiscal qui ne cesse de s'aggraver depuis 2000. Les gouvernements ont ainsi été privés de recettes qui auraient pu permettre de développer et de maintenir des services publics essentiels.
Les entreprises ont-elles investi cet argent dans la recherche et le développement ou dans une plus grande capacité de production, comme beaucoup le prétendaient ? Non. Au contraire, les inégalités ont augmenté, tout comme les salaires des dirigeants, ainsi que la concentration et l'influence des entreprises.
Le gouvernement actuel a déclaré qu'il s'attaquerait à ces problèmes, et a pris quelques mesures, tout en promettant plus.
Nous sommes favorables à la limitation des déductions des options d'achat d'actions et des déductions des intérêts. Cependant, cette approche progressive est en décalage avec notre besoin désespéré d'une action gouvernementale substantielle et soutenue sur de nombreuses questions : le logement abordable, un système de soins de santé plus robuste et une infrastructure résistante au climat, pour n'en citer que trois.
De plus, il faut comparer ces mesures progressives aux réductions de taux extrêmes effectuées par les gouvernements libéraux et conservateurs dans les années 2000 et au début des années 2010. Ces réductions ont permis de réduire de près de moitié le taux d'imposition fédéral des sociétés, qui est passé à seulement 15 %.
Il est grand temps de revenir sur ces réductions. Nous félicitons le gouvernement libéral d'avoir promis d'augmenter le taux d'imposition des plus grandes institutions financières du pays. Toutefois, une augmentation générale, comme le propose le NPD, est préférable. Nous recommandons une augmentation à 20 %, ce qui, selon le DPB, augmenterait les recettes de près de 8 milliards de dollars.
En plus d'augmenter le taux d'imposition des sociétés, nous devons éliminer les échappatoires qui profitent massivement aux plus grandes sociétés et aux particuliers les plus riches. Permettez-moi d'en citer trois.
Premièrement, passer à l'inclusion complète des gains en capital. Il s'agit d'une aumône annuelle de 22 milliards de dollars - et qui ne cesse de croître - pour les riches et les puissants.
Deuxièmement, éliminer l'échappatoire du crédit d'impôt pour dividendes des sociétés, qui coûte 5 milliards de dollars par an au gouvernement. Plus de 90 % de cette somme va aux 10 % les plus riches.
Troisièmement, éliminez le traitement fiscal préférentiel accordé aux REIT (real estate investment trusts). L'un des principaux moteurs de la flambée des prix de l'immobilier est l'"assolement" : traiter les maisons comme des actifs d'abord et comme des maisons ensuite. Il faut décourager cette tendance et l'élimination du traitement fiscal préférentiel pour les REIT serait une étape importante.
Enfin, le gouvernement doit continuer à améliorer la transparence des entreprises. Le financement prévu dans le dernier budget pour la création d'un registre public de la propriété effective est une étape importante. La prochaine étape consiste à rendre publics les rapports financiers pays par pays des plus grandes sociétés transnationales. Il y a trop de choses que nous ne savons pas sur certaines des entreprises les plus puissantes du Canada.
La pandémie et le changement climatique ont créé beaucoup de souffrance et d'incertitude. Mais ils ont ouvert les yeux de nombreuses personnes sur la nature essentielle d'institutions publiques correctement financées.