À Finances Canada RE Règles de divulgation obligatoire de l'impôt sur le revenu :
Canadians for Tax Fairness (C4TF) est heureux que le gouvernement aille de l'avant avec des règles de divulgation obligatoire plus strictes. Les changements se font attendre depuis longtemps. L'action 12 des règles de divulgation obligatoire de l'OCDE a été publiée en 2015. Plusieurs des alliés internationaux du Canada ont déjà mis en œuvre des règles plus strictes. Compte tenu de l'ampleur de l'" écart fiscal " entre les impôts prévus et les impôts réellement payés, tel qu'estimé par le Bureau parlementaire du budget, le retard de la mise en œuvre a probablement coûté des milliards de dollars de recettes au gouvernement fédéral. [1]
HISTORIQUE ET CONTEXTE
En 2019, l'ancienne directrice du FMI, Christine Lagarde, a observé que " la facilité avec laquelle les multinationales semblent pouvoir échapper à l'impôt [...] sape la confiance dans l'équité du système fiscal global "[2] Un récent sondage réalisé par Abacus a confirmé que l'équité fiscale est une question importante pour les Canadiens[3] Une majorité non négligeable estime que les personnes riches et les sociétés ne paient pas leur juste part.
Ce sentiment d'injustice est sans doute lié à l'aggravation de l'inégalité des revenus et des richesses. Entre 2010 et 2019, seul le 1 % le plus riche du Canada a augmenté sa part de la richesse totale. La part de chaque autre groupe a diminué ou est restée la même[4].
Bien que de nombreux facteurs soient à l'origine de cette aggravation des inégalités, notre système fiscal a aggravé la situation. Pendant des décennies, les gouvernements du monde entier ont participé à un "nivellement par le bas" des taux d'imposition des sociétés et à des réductions des taux marginaux supérieurs de l'impôt sur le revenu des personnes physiques. Dans le même temps, l'utilisation des paradis fiscaux a explosé dans le cadre de stratagèmes internationaux d'évasion fiscale de plus en plus complexes. Notre système fiscal n'a pas évolué parallèlement aux nouveaux outils d'évasion fiscale rendus possibles par les technologies numériques et l'économie numérique en pleine expansion.
D'importantes fuites de documents fiscaux internationaux au Consortium international des journalistes d'investigation (ICIJ) ont mis en évidence l'ampleur de l'évasion fiscale pratiquée par les riches et les entreprises[5]. Alors que ces fuites ont donné lieu à des recouvrements d'impôts et à des poursuites dans de nombreux pays, le Canada n'a pas encore inculpé une seule personne, malgré la présence de nombreux Canadiens dans les documents ayant fait l'objet de la fuite[6]. Cependant, elle est également due à notre code fiscal désuet, qui a permis aux stratagèmes d'évitement fiscal de proliférer.
Plus récemment, une fuite de déclarations de revenus auprès de l'Internal Revenue Service (IRS) des États-Unis vers le média en ligne ProPublica a révélé certaines des méthodes utilisées par les milliardaires pour payer peu ou pas d'impôts[7].
RÈGLES DE DIVULGATION SUPPLÉMENTAIRES
Le C4TF accueille favorablement les modifications apportées aux règles de divulgation obligatoire identifiées dans l'annexe 6 du budget fédéral 2021 concernant les transactions à notifier, la déclaration par les sociétés des traitements fiscaux incertains et les extensions des périodes de réévaluation. Cependant, nous pensons également que des mesures plus fortes et supplémentaires devraient être incluses dans ces changements.
1. Exiger la notification préalable des nouvelles transactions de planification fiscale
Le Canada devrait certainement suivre les recommandations de l'OCDE et réduire les exigences relatives à ce qui constitue une transaction à déclarer. Le Canada devrait également suivre l'exemple des États-Unis et exiger la notification des " transactions d'intérêt ", qui pourraient être des transactions qualifiées d'évitement fiscal, mais pour lesquelles les preuves sont insuffisantes. Toutefois, plutôt que d'exiger la déclaration après la mise en œuvre d'un stratagème fiscal, les nouvelles structures et transactions de planification fiscale devraient être déclarées à l'ARC pour approbation. Les conseillers fiscaux et les contribuables pourraient être autorisés à mettre en œuvre un plan en attente d'approbation, à condition que le rejet ultérieur du plan par l'ARC exige le paiement de l'impôt, mais sans pénalité.
2. Créer une taxonomie des stratagèmes d'évitement fiscal accessible au public.
Les contribuables et les chercheurs en fiscalité bénéficieraient d'une meilleure connaissance des stratagèmes d'évitement fiscal qui ont été identifiés par l'ARC. Certains groupes de contribuables sont plus vulnérables aux promoteurs qui proposent des stratagèmes d'évitement fiscal, notamment les personnes âgées, les immigrants et les personnes dont la langue maternelle n'est ni l'anglais ni le français. Une ressource facilement accessible permettant de comparer un plan promu à des stratagèmes d'évitement fiscal connus aiderait ces personnes à éviter de tomber involontairement dans un stratagème qui a déjà été considéré comme un évitement fiscal. Elle permettrait également de faciliter la déclaration de la catégorie plus large des "transactions d'intérêts". Les planificateurs fiscaux pourraient plus facilement comparer les structures et les transactions imaginées dans les catégories de stratagèmes d'évitement fiscal déjà identifiés. En outre, cette ressource aiderait les chercheurs en fiscalité à mieux comprendre les façons dont les riches et les sociétés manipulent la législation fiscale à la marge.
3. Exiger des entreprises qu'elles divulguent plus en détail les traitements fiscaux incertains
L'annexe 6 indique que les sociétés publiant des informations selon les normes IFRS doivent identifier les positions fiscales incertaines. Parmi les changements suggérés aux règles de divulgation obligatoire figure l'obligation de déclarer les traitements fiscaux incertains à l'ARC. Cependant, une plus grande partie de ces informations devrait également être mise à la disposition du public. Les divulgations actuelles des sociétés publiques sont peu nombreuses. Il est donc difficile pour les investisseurs et les autres parties prenantes de comprendre les risques potentiels associés à leurs plans fiscaux.
Les entreprises sont des acteurs sociaux de plus en plus puissants et nécessitent une plus grande responsabilité publique. Comprendre comment elles réduisent leur facture fiscale est un élément essentiel pour garantir cette responsabilité. Toute société qui souhaite que son traitement fiscal incertain soit gardé secret devrait avoir à démontrer à l'ARC comment la divulgation publique risquerait de compromettre ses activités.
4. Rendre publics les rapports financiers des sociétés pays par pays
Le C4TF préconise depuis longtemps que les rapports pays par pays sur les informations financières des sociétés, y compris les impôts, soient rendus publics par les grandes multinationales. Cela est essentiel pour comprendre comment les sociétés déplacent leurs bénéfices et évitent les impôts. De nombreuses questions se posent quant à savoir si certaines des plus grandes sociétés du monde, qui ont une présence importante au Canada, paient ou non des impôts sur le revenu des sociétés dans ce pays, et la plupart s'étonnent que nous ne le sachions tout simplement pas. Cette divulgation devrait suivre la norme mondiale pour les rapports publics sur les impôts convenue et publiée par la Global Reporting Initiative[8].
CONCLUSION
La fuite de ProPublica met en évidence le fait qu'une plus grande divulgation ne suffit pas. En plus de règles plus strictes, nous avons besoin de plus de ressources pour que l'ARC puisse enquêter sur l'évitement fiscal et faire respecter les règles fiscales. Nous avons également besoin de plus de transparence pour permettre un examen public plus approfondi.
Nous avons bon espoir que les changements prévus en matière de divulgation obligatoire aideront l'ARC à mieux identifier les stratagèmes d'évitement fiscal. Cependant, nous croyons qu'une plus grande transparence publique est une autre clé pour créer un système fiscal plus équitable.
Nous sommes plus qu'heureux de discuter plus avant de tout élément de ce mémoire. Nous vous remercions de votre temps et de votre attention.
REFERENCES
[1] Parliamentary Budget Office, Preliminary Findings on International Taxation, 20 June 2019. https://www.pbo-dpb.gc.ca/en/blog/news/preliminary-findings-on-international-taxation
The PBO estimated the tax gap from corporate tax avoidance via international schemes to be between $15 and $25 billion. Once wealthy families and domestic schemes are added in, the gap is certainly much higher. Of course, these rules would not close the gap completely.
[2] Christine Lagarde, Corporate Taxation in the Global Economy, 29 March 2019. https://www.imf.org/en/News/Articles/2019/03/25/sp032519-md-piie-opening-remarks-on-international-corporate-taxation
[3] Abacus Data.4 August 2021. https://abacusdata.ca/tax-fairness-canada-poll/
[4] Canadians for Tax Fairness. It’s time to tax extreme wealth inequality. November 2020. https://www.taxfairness.ca/en/resource/time-tax-extreme-wealth-inequality-report
[5] See https://www.icij.org/investigations/ for coverage of various leaks, including the Panama Papers, the Paradise Papers, and the FinCEN Files.
[6] Zach Dubinsky and Frédéric Zalac, “CRA has found 35 cases of tax dodging in the Panama Papers leak, 5 years later”. CBC News. 3 April 2021. https://www.cbc.ca/news/canada/cra-panama-papers-audits-5-years-1.5974690
[7] Jesse Eisinger, Jeff Ernsthausen, and Paul Kiel. “The Secret IRS Files: Trove of Never-Before-Seen Records Reveal How the Wealthiest Avoid Income Tax”. ProPublica. 8 June 2021. https://www.propublica.org/article/the-secret-irs-files-trove-of-never-before-seen-records-reveal-how-the-wealthiest-avoid-income-tax
[8] See Global Reporting Initiative, GRI 207: Tax 2019, A new global standard for public reporting on tax. https://www.globalreporting.org/standards/standards-development/topic-standard-project-for-tax/
{Photo: GotCredit / Flickr, CC 2.0}
[Traduit de l'anglais.]