Résumé
Le Canada jouit d’une réputation mondiale positive en tant que démocratie stable, riche qui est dotée d’un État de droit solide. Pourtant, elle figure également parmi les juridictions les plus opaques en ce qui concerne la propriété des sociétés et des partenariats. Les informations relatives à la propriété ne sont pas publiques et les entités peuvent être créées et contrôlées depuis l’étranger. Certaines entités ne sont soumises à aucune obligation de déclaration ou d’imposition nationale, mais elles peuvent détenir des comptes bancaires et conclure des contrats. Ces structures sont particulièrement attrayantes pour les mauvais acteurs qui ont besoin d’une couverture pour leurs méfaits. Par conséquent, le Canada est devenu un endroit très prisé pour constituer des sociétés écrans. [1]
Une industrie artisanale de consultants - dont beaucoup n’ont aucun lien apparent avec le Canada - a vu le jour pour promouvoir des entités juridiques canadiennes comme façades pour des structures opaques de sociétés étrangères. Présentées sous l’angle de « l’optimisation fiscale », ces structures semblent destinées à dissimuler la propriété effective et à tirer parti de la solide réputation du Canada pour accéder au système financier mondial.
Ces consultants étrangers font la promotion d’entités canadiennes en tant qu’intermédiaires dont la valeur réside dans leur identité canadienne, qui sert de couverture aux structures étrangères. Il est peu probable que ces sociétés écrans génèrent beaucoup, voire pas du tout, de recettes fiscales ou d’emplois locaux, et il se peut qu’elles n’aient aucun avantage économique pour le Canada au-delà des frais nominaux exigés par le gouvernement pour les constituer en société et renouveler leur enregistrement.
En l’absence de données ouvertes sur les entreprises, il est impossible de savoir à quel point l’utilisation des sociétés écrans canadiennes s’est répandue. Les registres des sociétés du Canada sont vétustes et ne disposent que d’une fonctionnalité de recherche limitée, et les sociétés qu’ils administrent divulguent peu d’informations sur elles-mêmes. Afin de démontrer comment un registre transparent peut être utilisé pour enquêter sur des actes répréhensibles, nous avons utilisé les données ouvertes du Royaume-Uni sur les sociétés et les propriétaires bénéficiaires pour signaler les cas où des entités canadiennes étaient utilisées dans des structures d’entreprise suspectes. Parmi les entités canadiennes figurant dans le registre britannique des propriétaires bénéficiaires, on trouve un groupe de sociétés en commandite albertaines qui, selon les médias et les experts, font partie d’un réseau complexe de sociétés écrans qui auraient servi à blanchir des milliards de dollars en provenance d’Europe de l’Est, une société à responsabilité limitée de la Colombie-Britannique dirigée par un prête-nom prolifique dont les sociétés ont été identifiées dans les médias comme ayant été utilisées pour commettre des fraudes et acheminer des pots-de-vin, et deux sociétés écrans québécoises liées à des transactions pétrolières douteuses dans des États post-soviétiques.6 Ces cas, identifiés grâce à la base de données sur les propriétaires bénéficiaires d’un autre pays, ne sont probablement que la partie émergée de l’iceberg.
Les sociétés et les partenariats sont des outils puissants qui peuvent être utilisés de façon légitime. Grâce à quelques réformes relativement simples, nous pouvons les dépouiller de l’attribut qui attire le plus les mauvais acteurs : leur anonymat. Ça commence par la collecte d’informations sur la propriété effective et leur mise à disposition du public dans un format de données ouvert. Cela doit s’accompagner de modifications du droit des sociétés afin d’exiger des administrateurs résidents, d’identifier les personnes désignées et celles qu’elles représentent, et de vérifier les données soumises aux registres des sociétés. Nous devons également dissuader les mauvais comportements par des sanctions et des mesures d’exécution.
L’ouverture des données permet aux journalistes, à la société civile et aux autres parties prenantes d’enquêter sur les actes répréhensibles. Cela est particulièrement important pour le Canada, où les autorités chargées de l’application de la loi et de la réglementation ont une capacité limitée d’enquêter sur la criminalité nationale, sans parler de l’activité criminelle au-delà de nos frontières.7 La transparence des données sur les entreprises permet également aux autorités chargées de l’application de la loi et de la réglementation de mener des enquêtes plus efficaces, sans avoir à présenter de lourdes demandes d’entraide judiciaire ou à risquer d’informer les entités sur lesquelles elles enquêtent. En outre, elle rend la diligence raisonnable plus efficace et aide les entités déclarantes 8 à respecter leurs obligations de conformité.
Le Canada a longtemps été perçu comme ayant des faiblesses en matière de criminalité financière.9 Il est toutefois encourageant de constater que le gouvernement fédéral reconnaît ces risques et a proposé, en avril 2021, de mettre en place un registre public des bénéficiaires effectifs au cours des quatre prochaines années.10 Il s’agit d’une évolution importante, et il est essentiel que les provinces et les territoires lui emboîtent le pas. Il est temps d’adopter une approche unifiée pour décourager le blanchiment d’argent et la criminalité transnationale organisée et s’attaquer à la menace que représente le blanchiment à la neige pour la réputation d’intégrité et d’équité que le Canada a durement acquise.
Rapport
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