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Un impôt sur la fortune est une taxe carbone progressive

24 novembre 2021 Par DT Cochrane

Photo: Mike Marrah

pollution smokestacks photo Ella Ivanescu Unsplash

Le dernier discours du Trône affirme clairement que "nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre" pour agir sur la crise climatique.

La même urgence se retrouve dans le dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), qui souligne très clairement la nécessité de prendre des mesures draconiennes. Le langage utilisé par le rapport - généralisé, rapide, incontesté - est stupéfiant quand on se rappelle qu'il est le fruit d'un consensus international et interdisciplinaire. Des scientifiques de soixante-six pays, dont la Chine, l'Inde, le Chili et le Canada, sont tous d'accord : l'humanité a besoin d'une action collective massive. 

Alors que le gouvernement fédéral parle de la nécessité d'une action urgente et spectaculaire, ses plans de dépenses et de recettes n'ont pas été à la hauteur de la rhétorique. Les dépenses massives nécessiteront des recettes massives, bien au-delà des taxes sur le carbone. 

L'impôt sur la fortune est l'un des outils les plus importants et les moins utilisés de la boîte à outils.

 

LES TAXES SUR LE CARBONE NE SUFFISENT PAS

Si la taxe carbone est importante, elle n'est pas suffisante. Telle qu'elle est conçue actuellement, la taxe carbone permet à trop de grands émetteurs de s'en sortir. En tant que taxe sur la consommation, la taxe sur le carbone est également régressive, c'est-à-dire qu'elle frappe plus durement les personnes à faible revenu que celles à revenu élevé.

Même si elle était mieux conçue, la taxe sur le carbone serait encore trop faible. En fixant un prix au carbone, la taxe sur le carbone offre un mécanisme basé sur le marché, ce qui rend l'opposition politique à cette taxe très déroutante. Cependant, la transformation sociale nécessaire pour réduire suffisamment les émissions ne peut être réalisée par le biais des marchés.

 

LES CRÉDITS D'IMPÔT NE SUFFISENT PAS

Parmi les quelques mesures du budget fédéral de 2021 destinées à lutter contre la crise climatique figure un crédit d'impôt pour le développement des technologies de capture du carbone. Comme les taxes sur le carbone, les crédits d'impôt pour les entreprises sont justifiés par une logique de marché. En réduisant les coûts fiscaux attendus, les crédits sont censés inciter à l'innovation et à l'investissement. Cependant, une grande partie de ce qui doit être fait pour faire face à la crise climatique offre peu d'espoir de revenus, et encore moins de profits. Les niveaux élevés d'incertitude signifient que même de généreux crédits d'impôt ne suffiront pas à attirer suffisamment d'investissements du secteur privé.

De plus, en mettant notre espoir dans l'innovation du secteur privé, nous nous en remettons implicitement aux droits de propriété intellectuelle qui limiteraient l'accès aux nouvelles technologies. Toute innovation technologique susceptible de réduire efficacement les niveaux de carbone atmosphérique doit être déployée à grande échelle, et non restreinte pour un plus grand profit.

Afin de contrer l'incertitude des entreprises et de garantir que les innovations appartiennent au domaine public, nous avons besoin de l'investissement du gouvernement.

 

UN IMPÔT SUR LA FORTUNE S'IMPOSE

Pendant des décennies, une subvention au carbone a permis de maintenir les produits à fortes émissions à un prix excessivement bas. Plus le revenu des consommateurs était élevé, plus ils en tiraient profit. Cependant, les consommateurs n'étaient pas les seuls bénéficiaires. La subvention carbone réduisait le coût de production, ce qui permettait de dégager des marges bénéficiaires élevées et/ou d'augmenter les volumes de vente. Les bénéficiaires de ces distorsions étaient les sociétés et leurs propriétaires.

Malheureusement, le Canada ne dispose pas de données à long terme sur la répartition des richesses. Cependant, les données pour les États-Unis montrent une aggravation de l'inégalité des richesses depuis le début des années 1980. En 2020, le Bureau parlementaire du budget a estimé que les 1 % les plus riches du Canada possédaient 26 % de la richesse nette du pays. Une partie de cette richesse hors norme a été subventionnée par des combustibles fossiles bon marché. Nous pouvons considérer l'impôt sur la fortune comme un moyen progressif de fixer le prix des émissions passées.

Si le gouvernement dépense ce qui doit être dépensé pour transformer notre économie, l'argent procurera des revenus aux travailleurs et des recettes aux entreprises.

Une partie sera détournée vers les riches sous forme d'intérêts et de dividendes. Un impôt sur la fortune fournira des revenus au gouvernement et contribuera à empêcher les riches de s'enrichir inutilement à la suite de la lutte contre le changement climatique.

Les dernières estimations montrent qu'un modeste impôt sur la fortune de 1 % sur les fortunes de plus de 20 millions de dollars, de 2 % sur celles de plus de 50 millions de dollars et de 3 % sur celles de plus de 100 millions de dollars générerait environ 20 milliards de dollars de recettes.

 

RÉCONCILIATION ET RICHESSE

Dans le discours du Trône, le gouvernement a identifié notre richesse en ressources comme un moyen d'agir. Il a déclaré que " le moment est venu de prendre des mesures climatiques plus audacieuses ". Il s'est également engagé à protéger la nature en établissant des partenariats avec les Premières nations, les Inuits et les Métis. Mais le gouvernement n'a pas reconnu qu'une grande partie des ressources du Canada se trouve sur les terres indigènes. 

L'histoire de l'extraction des ressources au Canada est marquée par la violation de la juridiction des autochtones et la spoliation de leurs terres. Alors que les communautés autochtones en supportaient les coûts, les riches en récoltaient les bénéfices. Les entreprises d'extraction de ressources ont versé des centaines de milliards de dollars en intérêts et en dividendes, qui vont en grande majorité aux Canadiens les plus riches. Quelques-uns ont prospéré au prix de la souffrance de beaucoup.

Le Canada a une dette énorme envers les nations autochtones qui partagent ces terres. Un impôt sur la fortune offre un moyen de s'acquitter de cette dette de manière juste.

 

LA SOLIDARITÉ EST PORTEUSE D'ESPOIR

Bien que le dernier rapport du GIEC soit déchirant, il est aussi porteur d'espoir. Les auteurs du rapport nous disent que nous pouvons limiter la crise climatique en prenant des mesures immédiates et énergiques pour réduire les émissions de carbone. 

Le discours du Trône a affirmé que nous pouvons faire croître l'économie et protéger l'environnement. En effet, le Canada est dans une position privilégiée pour aider à diriger un effort mondial vers une transition juste. 

Nous avons certainement l'expertise nécessaire dans les domaines de l'énergie, des transports, de la construction, de la fabrication, de l'agriculture et d'autres industries qui auront besoin d'une transformation rapide et substantielle. Les nations autochtones ont une longue expérience et une connaissance approfondie de la gestion écologique. En partenariat avec ces nations, nous pouvons mobiliser les ressources d'une manière juste et durable.

Mais nous devons cesser de prétendre que quelques maigres initiatives fondées sur le marché nous mèneront là où nous devons aller. La justice et la responsabilité fiscale exigent toutes deux un impôt sur la fortune dans le cadre de la lutte du gouvernement fédéral contre le changement climatique et ses méfaits.

 

 

{Image dérivée de l'image "Pollution" de Jan Smith sur Flickr.com, CC 2.0.}

[Cet article a été publié pour la première fois en anglais par nos alliés du Broadbent Institute].

 

Photo: Mike Marrah