Les impôts négligeables d'Amazon, les millions de dollars qu'elle a reçus en allégements fiscaux et en subventions pendant de nombreuses années, l'avantage injuste qu'elle conserve ainsi sur les entreprises locales, ainsi que ses pratiques de travail souvent critiquées et son impact environnemental important, sont explorés dans L'Envers d'Amazon, un nouveau documentaire en français de l'équipe d'investigation de Quebecor.
Pour réaliser ce film, le journaliste Dominique Cambron-Goulet a travaillé pendant six semaines au sein de l'entreprise, obtenant des images secrètes à l'aide d'une caméra cachée, tandis qu'un autre journaliste a effectué des livraisons Amazon pour faire l'expérience de la vie difficile des personnes qui se présentent à nos portes. Le film interroge également un certain nombre d'experts, dont Toby Sanger, directeur exécutif de Canadians for Tax Fairness.
Il s'avère qu'au Québec, le géant du numérique a pu éviter de payer des dizaines de millions de dollars d'impôts, et bénéficier de ce qui équivaut à un allègement fiscal de 15 ans, selon le documentaire, tout en bénéficiant du programme de subvention de 100 millions de dollars du gouvernement québécois pour former les employés, alors que nous ne savons même pas combien d'impôts l'entreprise a payé l'année dernière.
Par rapport aux entreprises du Canada, qui paient un taux d'imposition d'environ 20 % en moyenne, nous apprenons qu'Amazon ne paie qu'environ 7 % à l'échelle mondiale, tout en payant zéro impôt aux États-Unis en 2017 et 2018, et tout en n'ayant perçu presque aucune taxe de vente partout où elle opère pendant la majeure partie de ses 20 premières années d'existence.
Cela semble être un marché plutôt intéressant pour le deuxième plus grand employeur au monde, et une entreprise qui a reçu plus de 15 millions de dollars en contrats et en achats des gouvernements du Canada et du Québec - notamment par l'intermédiaire d'Amazon Web Services - depuis 2018, tandis que le fonds de pension public du Québec, la CDPQ, a investi 388 millions de dollars dans l'entreprise au cours de la même période, révèle le documentaire.
Ces révélations vont dans le sens de l'évasion fiscale du fondateur et PDG d'Amazon, Jeff Bezos, la personne la plus riche du monde, qui a également pu éviter de payer tout impôt sur le revenu certaines années, comme l'ont révélé les récentes fuites de l'IRS de ProPublica.
Dans une interview, Toby Sanger explique que cette affaire s'inscrit dans le cadre d'un problème plus vaste d'évasion fiscale, les gouvernements canadiens perdant chaque année plus de 10 milliards de dollars à cause de l'évasion fiscale d'entreprises comme Amazon. Malheureusement, nous ne disposons pas des chiffres permettant de savoir ce qu'Amazon a payé dans tout le pays, puisque le gouvernement fédéral ne nous a pas dit si l'entreprise a fait l'objet d'un audit, ni même d'un examen détaillé de ses livres, explique M. Sanger.
Les petites et moyennes entreprises canadiennes, en particulier les détaillants, se demandent pourquoi ces multinationales ne sont pas soumises aux mêmes impôts qu'elles doivent payer. Cet avantage injuste est aggravé dans le climat économique actuel, alors que jusqu'à 1 entreprise québécoise sur 10 est perdue à cause de la pandémie.
Il serait stupide de penser que l'inaction du gouvernement en matière d'équité fiscale pour des entreprises comme Amazon n'a rien à voir avec le fait qu'elles ont engagé des lobbyistes ayant des liens étroits avec les gouvernements, qui peuvent défendre leurs intérêts d'une manière que les contribuables et les entreprises locales ne peuvent pas faire, dit Sanger.
L'organisation Canadians for Tax Fairness (C4TF) fait campagne pour que les multinationales étrangères soient sur un pied d'égalité dans le domaine numérique. De plus en plus, les gouvernements du monde entier reconnaissent publiquement que ces entreprises ne paient pas leur juste part d'impôts. La France a imposé une taxe sur les services numériques malgré l'opposition des Américains. Le Canada en imposera une à partir de janvier 2022, à moins que les négociations du G20 et de l'OCDE cet été ne débouchent sur un accord visant à imposer différemment les multinationales.
"Nous devons mettre en œuvre une taxe de 3 % sur les services numériques pour les grandes multinationales étrangères afin d'uniformiser les règles du jeu, ainsi qu'un impôt minimum mondial sur les sociétés de 25 %. Si nous ne nous attaquons pas à l'évasion fiscale des grandes sociétés multinationales, les entreprises canadiennes seront injustement désavantagées", a déclaré l'économiste du C4TF, D.T. Cochrane.
Vous pouvez voir L'Envers d'Amazon sur Club Illico ici.